C’est officiel, le réseau secondaire non pourvu de séparations passera d’une limitation de vitesse de 90 à 80 km/h. Plutôt que critiquer comme tout le monde cette mesure, plongeons dans l’Histoire de France et arrêtons-nous en 1973. Lorsqu’il fut décidé par le gouvernement du premier ministre Pierre Messner de limiter ces mêmes routes à 100 km/h.
Elle reste à ce jour encore l’opération de prévention routière la plus spectaculaire jamais vue en France. C’était le 17 mai 1973 à Mazamet. Afin de souligner le massacre quotidien sur les routes de France, il fut mis au point une opération ville morte. La ville de Mazamet, dans le Tarn, joua le jeu. Les 16 000 habitants de la ville, non loin de Castres, jouèrent le jeu en se couchant sur le sol afin de provoquer un électrochoc auprès de l’opinion public afin de souligner les 18 034 tués sur les routes de France rien qu’en 1972. Les images font le tour du monde.
La fin du far west
Il faut dire que jusque-là, rouler en France confinait au far west avec très peu de règles. Politiquement, cela devenait difficile à tenir. D’autant que par ailleurs le premier choc pétrolier fait des ravages dans le pouvoir d’achat des Français. En effet, selon les Annuaires Statistiques de la France, le prix du litre d’essence est passé de 1,16 franc en 1971 à 1,62 franc en 1972 (en franc courant). Les pouvoirs publics ont ainsi analysé, proposé et décidé. Un plan de lutte contre l’accidentologie voit le jour afin de faire lever le pied avec 2 lourds arguments : Sauver des vies et faire des économies. Dès 1970, un taux d’alcoolémie maximal et défini. Le bouclage de la ceinture de sécurité est rendu obligatoire (hors agglo) en 1973 tandis que les premières limitations de vitesse voient le jour à l’aube de l’année 1974, notamment sur autoroute à 140 km/h. Cette mesure s’intégrait dans un plan d’économies d’énergie (comme le passage à l’heure d’hiver…) pour lequel fut créé le fameux slogan passé dans le langage courant : « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées » ! Je ne peux résister à l’envie de partager avec vous la vidéo de propagande des services du ministre de l’économie d’alors, un certain Valéry Giscard d’Estaing, annonçant tous ces changements.
Il y eut aussi le passage à 100 km/h sur le réseau secondaire (comprenez pas les autoroutes et les routes pour automobiles). Dans la vidéo exhumée par l’INA, on parle de routes « sans panneau » qui « sont toutes limitées à 100 ». On évoque ainsi les premiers contrôles radar, la peur de la perte du permis de conduire et déjà les inquiétudes des automobilistes. Pour les dépassements notamment mais aussi pour la « création de longues files de véhicules ». Un représentant de l’état parle alors de « mesure de tolérance » pour le dépassement des poids-lourds.
Dans cette vidéo, on découvre un discours volontiers plus pédagogue et bien veillant. En tout cas bien moins anxiogène qu’aujourd’hui. Il faut dire que nos responsables débutaient dans le discours sur la sécurité routière. Mais déjà, ces derniers misaient tout sur la vitesse pour quantifier les progrès en la matière en omettant volontiers que le port de la ceinture de sécurité, le seuil maximal d’alcoolémie et le progrès technologique contribuaient tout autant (si ce n’est davantage) à la baisse de la mortalité sur les routes. Au final, les routes à 100 km/h n’ont eu que quelques mois d’expérimentation. En effet, le passage à 90 km/h sur le réseau secondaire fut acté, comme le 130 km/h sur autoroute et le 110 km/h sur route pour automobiles, dès novembre 1974.
Et les Français, qu’en pensaient-ils ? Là-aussi l’INA dépoussière une archive !
Dans ce contexte de nouvelles limitations de vitesse plus strictes et surtout aveugles, nous nous rappelons de Jean-Pierre Beltoise et de son discours de bon sens jamais entendu par nos politiques…