En regardant les publicités d’un constructeur, on peut apprendre beaucoup sur l’évolution des produits, de la marque mais aussi des moeurs. Prenons l’exemple de Renault.
La publicité c’était mieux avant ? Pas forcément, mais les règles et les moeurs étaient différentes. Avec le développement de la télévision au tournant des années 60, l’arrivée de la deuxième chaîne en 1963 et de la couleur en 1967, les annonceurs se sont adressés d’une nouvelle manière aux consommateurs qui n’étaient alors pas saturés de messages publicitaires comme aujourd’hui. On pouvait prendre le temps d’expliquer en racontant une histoire et même faire rire. En témoigne ce film du début des années 1970 signé Éric Lipmann pour l’agence Publicis (qui a réalisé nombre de publicités pour Renault). Un employé vient chercher son patron à l’aéroport et lui en met plein la vue par les équipements de sa R16 TS (haut de gamme). Un savoureux épisode de la lutte des classes pour ainsi dire. La R16 fut produite à près de 2 millions d’exemplaires !
Bien qu’indissociable du premier choc pétrolier (1971), les années 70 restent des années heureuses en France (les dernières pour certains). Vent de liberté soixante-huitard, forte croissance, taux de chômage à moins de 4% au début de la décennie, les ménages s’équipent… la publicité témoigne de ce bonheur, de cet ascenseur social qui fonctionne. On nage dans le bonheur au volant de la R4 et c’est Michel Figuain qui le chante en 1973.
La R4, un symbole de voiture pratique, fonctionnel, fiable… bref increvable. Pas étonnant qu’elle fut écoulée à plus de 8 millions d’exemplaires. Seules la R5 et la Clio ont fait mieux.
En mettre plein la vue !
Avec les années 80, le positionnement de Renault évolue. On ne présente plus la voiture comme un produit pour tous. Désormais on différencie les messages pour mieux toucher les différentes composantes de la clientèle. Les hommes restent prioritaires avec des productions ahurissantes qui mettent en valeur la technologie, la puissance et même la vitesse comme avec les Renault 9 et 11 dans ce film de 1985 : « Roulez à l’extraordinaire !»
… ou encore cette course poursuite avec la Polizei pour mettre en valeur la puissance de la R21 2L Turbo en 1988 « Le Défi ».
Mais avec le lancement de l’Espace (en 1984), la voiture devient familiale. Renault change peu à peu son message en lance le slogan « Des voitures à vivre ». Il en résulte ce film accompagné de la célèbre musique de Robert Palmer, « Johnny and Mary » et nommé « Tranches de Vie ». Certainement la publicité la plus emblématique du constructeur.
Avec les années 1990, les constructeurs voient le cadre légal être considérablement alourdi. Plus question d’évoquer la puissance ou de montrer un accident dans une pub diffusée en France ! Les publicitaires doivent se montrer plus créatifs que jamais et n’hésitent pas à faire disparaitre la voiture du film comme en 1994 avec Jean Reno dans un efficace exercice de quiproquo. Le mot « Espace » n’est prononcé qu’au bout de 74 secondes Renault Espace n’apparait lui qu’à 10 secondes de la fin d’un spot qui en compte 90.
Le message doit être sécurisant et familial
Les années 2000 voient les messages se multiplier. Chaque modèle a droit à sa pub, multiplié par quasiment chaque série spéciale. Les hommes, les femmes, les enfants, toute la famille… Ils sont autant de cibles. Renault osa même en 2008 nous présenter la fonctionnalité du Kangoo avec les Simpson.
Mais Renault annonce aussi à l’étranger et se distingue avec deux films, tous les deux diffusés en Allemagne en 2005 et 2007.
D’une efficacité clinique, les publicités de Renault ne font plus dans le fantasme virile des décennies précédentes, la faute parfois des réglementations lourdes mais aussi à une concurrence plus importante que jamais. La puissance a disparu au profit de la cellule familiale. C’est après tout comme cela que l’automobile se vit aujourd’hui pas à fond sur l’autoroute poursuivi par 4 hélicoptères…