On a cherché des semaines durant (j’exagère à peine) si quelque part dans le monde, un téléphone portable allumé avait provoqué l’explosion de la station-essence où son propriétaire l’utilisait. Rien. Alors pourquoi est-ce interdit ?
Si l’on comprend facilement pourquoi il est interdit de fumer en faisant le plein de sa voiture, on ne comprend pas vraiment pourquoi il est interdit d’avoir le pistolet de la pompe dans une main et son beau-frère au bout de l’autre comme le stipule un arrêté du 15 avril 2010.
« Il suffiraaaaa d’une étincelle »
On pourrait éventuellement se dire que le danger pourrait surgir des ondes dégagées du portable. Ces dernières pourraient-elles spontanément enflammer le carburant ? Non, la structure de l’essence (ou du diesel) est imperméable à toute chaleur provoquée par un champ électromagnétique.
Ces appareils sont de plus des émetteurs de radio radiofréquences de faible puissance (entre 450 et 2700 MHz), dont la valeur de puissance de crête est comprise entre 0,1 et 2 watts. Ils émettent donc trop peu d’énergie pour causer une explosion ou un incendie.
Dans les faits, il existe bien une situation dans laquelle un téléphone portable pourrait causer l’embrasement d’une station-service. Il faut toutefois un sacré concours de circonstance pour la réunir.
Il faut en effet qu’une défaillance de l’appareil, causée par une batterie déficiente, provoque une étincelle alors qu’il se trouve dans une zone de forte concentration en vapeurs d’essence, à savoir la zone proche de la trappe à carburant. Autant dire que vous avez plus de chances de gagner à l’Euromillion que de réunir ces auspices.
La situation est tellement improbable qu’aucun incendie de poste d’essence n’a été attribué à ce jour par les autorités de régulation aux téléphones mobiles.
Plus largement, n’importe quel appareil électronique peut théoriquement s’enflammer. Pour autant, lorsqu’il y a un incendie d’une pompe essence, c’est soit parce qu’un foyer s’est propagé jusque-là, soit parce qu’un fumeur n’a pas pu se retenir 5 minutes, soit à cause de l’électricité statique. Nous avons donc une précaution un brin excessive.
Un mythe populaire basé sur un hoax
Dans leur enquête de 2014, les experts de l’émission américaine Mythbusters ont établi l’inexistence des risques causés par les mobiles dans des circonstances normales. Leur enquête a également permis de mettre en lumière la genèse de ce mythe dans le grand public. Il s’agit d’un hoax véhiculé par email qui affirmait que les experts de l’institut US Petroleum Equipment Institute avaient liés les feux survenus au milieu des années 1990 dans des stations-services aux téléphones portables.
Si l’organisation a bien recensé plus de 200 incidents rien qu’aux Etats-Unis, aucun n’est attribuable à des appareils mobiles. Elle les attribue à l’énergie statique emmagasinée lorsque le conducteur retourne dans son véhicule et recréé la charge électrostatique de ses mains par frottement sur certains matériaux.
Pourquoi l’interdiction n’est-elle pas levée ?
Si le risque d’incendie est écarté, pourquoi l’interdiction n’est-elle pas levée ? Pour l’association professionnelle britannique UK Petroleum Industry Association , il explique deux raisons pour dissuader l’utilisation des téléphones mobiles dans les stations-services :
- Le téléphone portable est source de distraction dans un environnement dangereux caractérisé par des véhicules en déplacement.
- Les appareils mobiles ne sont pas conçus et certifiés pour une utilisation dans une atmosphère explosive.
Les deux raisons avancées relèvent visiblement d’une volonté de l’industrie pétrolière de limiter leurs risques juridiques en cas d’incident.