Comment un rétroviseur est à l’origine de la victoire de Ray Harroun lors de la première édition des 500 miles d’Indianapolis.
Cette année marque la centième édition des 500 Miles d’Indianapolis, l’une des trois plus prestigieuses courses automobiles du monde avec le Grand Prix de Formule 1 de Monaco et les 24 Heures du Mans. L’occasion de nous pencher sur la toute première édition de cette course. Nous sommes le 30 mai 1911 sur l’Indianapolis Motor Speedway et 40 voitures prennent le départ. Quelques 6 heures et 42 minutes plus tard, à une moyenne de 120 km/h, Ray Harroun sur sa Marmon jaune (surnomée the wasp, la guêpe) triomphe devant quelques 80 000 spectateurs tandis que de nombreux concurrents contestent le résultat.
Seul à bord
La contestation de la victoire de Ray Harroun venait tout d’abord d’un étrange appendice sur le capot de la voiture numéro 32. Tenu par 4 fins bras métalliques, une boite au format plutôt aérodynamique. Elle contient, face à Ray Harroun, ce qu’il est depuis appelé un rétroviseur. Un miroir d’un peu plus de 20 centimètres de large et de 7 de haut qui permettait non seulement à Ray Harroun de voir le positionnement de ses adversaires ainsi de se passer du mécanicien qui embarquait sur les 39 autres voitures sur la ligne de départ. Ces derniers étaient chargés d’informer le pilote sur ce qu’il se passait à l’arrière ! Soulagé de 60 à 90 kilos (synonyme de moindre consommation) et bénéficiant d’une meilleure aérodynamique (résistance à l’air et appui), Ray Harroun a remporté la course, n’étant relayé que l’espace de 35 tours (sur 200) par un certain Cyrus Patschke, bien que son nom ne soit pas gravé sur le Borg-Warner Trophy.
Une situation qui exaspéra nombre de concurrents, qui ont contesté le résultat. En vain. Après tout, en dépit de cet avantage important basé sur une lecture attentive du règlement et d’une idée de génie, Ray Harroun a remporté une course de près de 7 heures avec moins de 2 minutes d’avance sur le deuxième. Les pages « History » du site de l’IMS indiquent que le pilote se serait inspiré d’un système comparable vu quelques années plus tôt sur une calèche à Chicago.
L’usage du rétroviseur fut interdit jusqu’en 1922 (ainsi qu’entre 1930 et 1937) au profit d’un mécanicien accompagnant comme expressivement stipulé dans le règlement. Nous n’étions vraiment pas dans l’ère de la sécurité routière, ni même celle des gentlemen racers mais dans celle des pionniers du sport auto.
Des doutes sur le décompte des tours
La contestation de la victoire de Ray Harroun ne reposait pas seulement sur l’usage d’un rétroviseur et l’absence d’un mécanicien à bord. Il demeure aujourd’hui encore une certaine confusion sur le décompte des tours accompli (ou pas) par Ray Harroun. Au conditionnel, les officiels chargés du décompte des tours auraient compté un tour en trop au pilote de la Marmon numéro 32 (lors d’un arrêt prolongé aux stands sur crevaison) si bien que pour certains, Ray Harroun n’aurait pas gagné la première édition de la 500 Miles d’Indianapolis, mais bien Ralph Mulford à bord d’une Lozier. L’énigme reste entière, officiellement c’est bien le portrait de Ray Harroun qui est sur le Borg-Warner Trophy. En attendant peut-être celui de Simon Pagenaud ?
Avec le New-York Times, photo de la Marmon : Honest Charley